Rencontre en soirée
La première fois que j’ai rencontré Alexine, je n’ai pas vraiment fait attention à elle. C’était lors d’une réunion de préparation d’un événement où je devais piloter une équipe, et elle faisait partie de ceux qui n’avaient pas encore répondu à mon mail. Elle était venue me voir : « C’est toi, Anadema ? Je suis Alexine, je ne t’ai pas répondu mais j’ai bien vu ton mail et je te confirme que je serai là, tout est ok ! »
Plusieurs semaines passent jusqu’au jour de l’événement en question, avant-hier mercredi. Alexine fait partie des premiers arrivés de mon équipe au milieu de l’après-midi et nous nous retrouvons à discuter tous les deux. C’est une fille charmante, avec de longs cheveux bruns ondulés qui ont du volume. La conversation est plaisante et intéressante, nous faisant glisser sur tout un tas de sujets. C’est une fille de 32 ans originaire de l’est de la France qui est arrivée en Île-de-France pendant la fin de ses études de médecine. Son franchissement du cap de la trentaine et les confinements successifs du COVID-19 l’ont un peu secouée en lui rappelant que son horloge biologique tournait. Elle me parle de ses copines avec des désirs d’enfant qui ont du mal à trouver un compagnon. « Elles sont trop difficiles », me dit-elle. Je m’attends à des histoires de beauté ou de statut social. Mais pas du tout, le premier reproche qu’elle me rapporte, ce sont des « hommes trop gentils ». Je lui parle de l’horrible idéologie des GAFAM qui encouragent leurs salariées à congeler leurs ovocytes pour mettre en suspens leur vie personnelle au profit de leur carrière, et elle me confie que trois de ses copines l’ont fait en France, effrayées d’arriver à la quarantaine.
Inévitablement, la conversation finit par nous amener à un moment ou à un autre sur le thème du vaccin contre le COVID. À mon grand bonheur, elle a un avis assez tranché et peu conformiste sur la question : elle considère ces vaccins comme ayant été administrés en masse à tort avant d’être arrivés au bout de leurs phases de tests, et se méfie de l’intérêt financier des groupes pharmaceutiques. Je la taquine en la traitant de médecin antivax adepte du complot de Big Pharma. Elle rigole. Le sujet étant délicat, je me dois de préciser ma position : j’avais choisi de me faire vacciner une première fois à Pfizer au début de l’été 2021, lorsqu’on pouvait croire dans son potentiel. Et j’avais refusé la deuxième vaccination l’hiver suivant, quand le gouvernement continuait de sombrer dans de l’hystérie pseudo-scientifique.
Par la suite, jusqu’à la fin de l’événement prévu en milieu de soirée, j’ai un peu moins l’occasion de croiser Alexine mais je dois avouer que c’est à elle que je pense le plus. C’est une fille dont les nombreuses qualités physiques et intellectuelles ne m’ont pas échappé. Et il m’a semblé percevoir une légère complicité naissante entre nous qui pourrait de pas être qu’amicale, je sens un courant passer, j’ai l’impression qu’elle me cherche comme je la cherche.
Une soirée privée d’entreprise est prévue juste après, et elle a prévu d’y aller comme moi. Je trouve le moyen qu’on y aille ensemble grâce à quelqu’un qui nous emmène en voiture. L’ambiance est joyeuse mais pas vraiment à l’occasion de rapprochements. Nous arrivons à la soirée où il y a déjà du monde (pas plus d’une petite centaine de personnes). Nous nous séparons et je pars discuter avec des gens que je n’ai pas vus depuis longtemps et que je suis ravi de retrouver. Je ne peux de toute façon pas la coller : si nous avons sympathisé, s’il m’a semblé percevoir une certaine connexion, ce n’est pas au point de pouvoir passer la soirée directement à ses côtés. C’est une phase délicate où on ne sait pas si sa présence est désirée.
À cette soirée se trouve aussi Capucine, une ancienne amante que je n’ai pas revue depuis plusieurs années. Je suis ravi de la revoir et je regrette de ne pas pouvoir profiter plus que ça de sa présence inattendue, obnubilé que je suis pas Alexine. Pourquoi faut-il d’un coup que je ne sache plus où donner de la tête alors que je suis resté des mois sans faire de vraies jolies rencontres ? Capucine me fait de beaux sourires pendant les quelques moments que je partage avec elle. J’aimerais passer plus de temps en sa compagnie mais c’est une femme mariée et je ne peux aucunement me permettre de négliger Alexine si une histoire avec elle pouvait surgir à l’horizon.
La soirée suit son cours et, au fil des départs, Alexine et moi finissons assez rapidement par nous retrouver. Comme elle semble assez fan de vin rouge, nous allons remplir nos verres pour mieux trinquer. À partir de ce moment, nous passons la majeure partie du temps ensemble, tantôt rejoints par les uns ou les autres. La conversation est un peu plus badine, moins profonde que dans l’après-midi, anesthésiée par l’alcool et le volume sonore, mais la complicité entre elle et moi est plus directe. Je profite de la moindre occasion pour lui toucher la taille ou l’épaule quand je m’adresse à elle. Elle se laisse faire. J’essaie d’être attentif aux signaux qu’elle m’envoie en retour : je la vois me toucher le bras, me demander de l’attendre pendant qu’elle va se resservir un verre, je la surprends parfois à me lancer un regard ou à se diriger vers moi quand nous ne sommes plus ensemble. On se taquine mutuellement : quand elle me balance un « Oui, chef ! », je la mets au garde-à-vous et lui ordonne de tourner sur elle-même pour nous laisser la regarder. En réponse, elle me renvoie un doigt d’honneur avec une gentille grimace. Il faut dire qu’elle est restée habillée léger, en legging moulant et en brassière de sport, le nombril à l’air, et elle est sacrément sexy. Une poitrine légère et des petites fesses sublimes que l’on regarde comme un bijou inaccessible derrière une vitrine.
En dehors de ces petits moments de légèreté, d’instants fugaces de complicité, je ne cherche pas à aller plus de l’avant. L’endroit ne me semble pas propice à cela, je ne suis pas suffisamment certain du niveau de connexion que je me figure et encore moins suffisamment entreprenant pour m’avancer plus effrontément. Mais pendant ce temps, l’heure tourne…
Il doit être un peu plus d’une heure du matin quand je la vois enfiler une veste, s’apprêtant à partir. Flûte… On parle de son départ et je la regarde en ajoutant doucement, sourire aux lèvres : « Dis-moi, Alexine, est-ce que tu m’autorises à te recontacter ? ». Elle me rabroue (du moins, c’est comme ça que je le vis) : « Euh… quand il y aura d’autres événements si tu veux ? » On échange quelques derniers mots, puis elle file. Je reste coi, abattu. Me suis-je trompé à ce point ? Ai-je bien compris que c’est un « non » poli, mais un gros « non » quand même ? Les questions tournent en boucle dans ma tête et ne me quittent plus. Est-il possible que, prise par surprise par ma question, elle n’ait pas su quoi dire dans l’instant et m’ait répondu une connerie ? Est-il possible qu’il y ait là-dedans une part de psychologie féminine et que ce soit un faux demi-non ? Mon sentiment le plus fort est que c’est plié.
Je confie à une femme avec laquelle je discute combien Alexine qui vient de partir avait l’air sympathique. Elle me confirme toutes ses qualités et me sourit avec malice : « En ce moment, elle est célibataire, tu sais, tu veux que je lui parle ? ». Ahah ! Je la remercie mais non, nous ne sommes plus au lycée ! « T’as qu’à passer la semaine prochaine, tel jour, elle sera là normalement. Tu diras que tu viens faire ceci, cela. » Impossible, ce serait gros comme une maison.
La soirée se poursuit jusqu’à son terme, tard dans la nuit. À la fin, nous ne sommes plus que trois : deux garçons et une fille. Sans que je lui parle de quoi que ce soit, le garçon me taquine : « toi, t’as passé beaucoup de temps avec Alexine ce soir ! ». Je souris en lui demandant si ça s’est vu tant que ça. Il me donne son avis sur elle qu’il connaît un peu : « franchement, c’est une fille super, hyper modeste alors qu’elle a un doctorat et tout. Là, tu vises le haut du panier ! ». Après tout, c’est peut-être ça, mon problème ?
Il est pratiquement 5 heures du matin lorsque nous nous quittons. Je me dis qu’il faut absolument que je tente d’écrire à Alexine demain ou après-demain. Mais quoi lui dire ? Le temps de rentrer chez moi, le temps de m’endormir en ressassant de déprimantes pensées, il me restera moins de deux heures de sommeil pour affronter la journée. Dans un demi-sommeil tourmenté, je me mets à rêver d’Alexine : mon esprit rempli de code de programmation (j’ai récemment suivi des heures de formation en prévision de reprendre le développement de ce blog entre autres) me mélange cela avec Alexine : je plonge dans des rêveries délirantes où les paramètres imaginaires d’un code informatique ont le dont de me renvoyer des sortes d’informations sur Alexine, ce que je peux lui dire ou pas, ce qu’elle pense ou pas. Je me réveille l’esprit embrumé et confus. Le manque de sommeil me maintiendra toute la journée dans une sorte de tristesse larvée.
Je décide de lui envoyer un message à l’heure du déjeuner. La contacter par SMS ou messagerie instantanée, cela me semble trop intrusif dans le cas où, et c’est mon impression, elle n’aurait pas envie de poursuivre quoi que ce soit avec moi. Je décide donc de m’en tenir à un mail. Quoi lui écrire ? Il faut que je fasse court, mais en paraissant fin et intelligent. Il faut que je fasse preuve d’humour mais pas trop, que j’évoque mon intérêt sentimental pour elle mais sans le lui dire vraiment. Tout ça dans un message qui lui paraisse tout sauf impersonnel. Oh, bordel.
Suivant l’inspiration du moment, je lui envoie ces quelques lignes qui sont l’occasion d’évoquer quelques sujets dont elle m’avait parlé :
Sur le moment, je suis très content de moi : j’ai réussi à exprimer tout ce que je voulais en remplissant mon cahier des charges et j’ai même réussi à parler de cul sans en parler, le tout enrobé dans une private joke.
Les heures passent sans que je ne reçoive de signe de sa part. Cela, associé à mon manque de sommeil, me plonge dans une lancinante mélancolie. On pourra me rétorquer que tout ça est bien banal. Un coup de cœur déçu, en somme. Il n’empêche que cela ne m’arrive pas tous les jours d’être séduit en tous points par une fille rencontrée comme ça et d’avoir senti naître entre nous un début de quelque chose.
Complice d’une soirée seulement. Elle a pu se sentir des affinités avec moi mais… pas plus que ça. Et avoir simplement apprécié le fait de se faire dragouiller. Le désir des autres, même quand on n’a pas envie d’y répondre, est une petite drogue dont on ne se lasse pas, il m’est arrivé d’en abuser moi-même.
Au moment où j’ai commencé à rédiger cet article, cela faisait déjà plus de 24 heures que j’avais envoyé mon mail, son silence est sa réponse.
EDIT 1 (7 jours plus tard) : comme anticipé, aucune réponse…
EDIT 2 (1 mois plus tard) : contre toute attente, après 9 jours, Alexine m’a répondu par mail, je le raconte ici.
4 commentaires :
Surprise ! Il y a 10 ans, tu postais un message pour les 10 ans (à l’époque) de ce blog. Je me réjouissais à l’idée de suivre les nouvelles aventures que tu nous promettais, mais j’ai vite déchanté car rien n’est venu… jusqu’à aujourd’hui où je passe à tout hasard et découvre ce nouveau post inattendu, annonciateur – je l’espère – de publications palpitantes à venir.
Comme on dit au Bol d’Or : « vieux motard que jamais »
@Grinchouillon : Alors là, la surprise est pour moi aussi, je ne m’attendais pas à recevoir un commentaire. Merci pour ce plaisir ! :D
Ca fait plaisir de te lire après tout ce temps, je ne sais pas pourquoi j’ai pensé à toi aujourd’hui. Je décide donc de de venir jeter un coup d’oeil, à ma surprise je vois des posts datés de 2023.
Le début de ton blog me semble une douce époque, et te lire à nouveau est une sorte de réconfort. J’aime ta façon de raconter.
@Ikky : Merci pour ton message ! :)